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Manifeste pour la Métamorphose du Monde, par Edagar Morin

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Manifeste pour la Métamorphose du Monde, par Edagar Morin Empty Manifeste pour la Métamorphose du Monde, par Edagar Morin

Message par Admin Lun 1 Fév - 1:06

http://www.prospective-projet-politique.eu/reperes/LaVoie.pdf


Manifeste écrit par Edgar Morin pour une nouvelle conscience mondiale:
Il commence par des citations....



Sparsa colligo


Il y a ceux qui voudraient améliorer les hommes et il y a ceux qui
estiment que cela ne se peut qu’en améliorant d’abord les conditions de leur vie. Mais il apparaît que l’un ne va pas sans l’autre et on ne sait par quoi commencer (André Gide Journal 1942-49, p.31)


Les forces « extérieures » du monde sont les mêmes que celles qui nous agitent intérieurement ;ses drames, ses tentations,ses lâchetés, ses cruautés – pour peu qu’on ait l’occasion,la volonté, la franchise, l’intelligence de les voir, de leur résister, de les combattre en soi-même - procèdent aussi de la vie intérieure de tous les autres êtres humains….Les cruautés des tyrans leur viennent d’une vie intérieure qui nous est commun à tous. (Pierre
Guyotat)



Il faudrait voir d’une part si le projet humain réalisé durant ces six millénaires par l’homo historicus est le seul projet humain possible et d’autre part voir s’il ne faudrait pas faire aujourd’hui quelque chose d’autre » (Raimundo Pannikar)

Si le domaine des idées est révolutionné, la réalité ne peut demeurer telle qu’elle est » (Hegel)

Nous continuons à chercher des dépanneurs de la planète alpha, alors que nous sommes sur la planète beta, où seuls les questionneurs peuvent nous aider » (Ph. Caillé)

Je ne cesse d’avoir de nouvelles preuves qu’un grand potentiel de bonne volonté sommeille en nous. Celle-ci n’est qu’atomisée, intimidée, piégée, paralysée et désemparée. Dans cette situation, il est du devoir des hommes politiques de ramener à la vie ce potentiel timide et sommeillant, de lui proposer une voie, de lui frayer un passage, de lui redonner assurance,
possibilité de se réaliser, bref espoir. (Vaclav Havel)




I Le Monde en crise

La crise du monde est le résultat de l’enchevêtrement de multiples composants : notamment, la difficulté de penser le présent, le paradoxe de la mondialisation, son caractère planétaire, l’absence d’une conscience mondiale, toutes raisons qui, combinées, mènent à l’abîme.

Rapide revue de celles-ci.


1 La difficulté de penser le présent

La compréhension du monde requiert une approche systémique, corpus de la pensée complexe. L’énoncer est une chose, la mettre en œuvre une autre. L’obstacle est, d’abord, épistémologique, et, ensuite, méthodologique. Quelles que soient les époques. Et il y a aussi toujours retard de la conscience par rapport à l’immédiat.
La difficulté c’est aussi, à notre époque, la rapidité des changements aiguillonnés par la compétition économique, qui bouleversent notre cadre de vie.
La globalisation accentue la complexité. Des inter-rétroactions innombrables se tissent entre des processus extrêmement divers ayant pour sièges les systèmes économiques, sociaux, démographiques, politiques, idéologiques, religieux, etc…Cette complexité donne le vertige et conduit la plupart d’entre nous à un sentiment d’impuissance et à renoncer à sa compréhension.


2 le paradoxe de la mondialisation

La mondialisation est à la fois le meilleur et le pire. Le meilleur quand elle développe l’inter solidarité, le sentiment d’une communauté de destin, des symbioses et métissages culturels et laisse entrevoir la possibilité de l’émergence d’un monde nouveau. Le pire quand elle dégrade l’écosystème, laisse planer des menaces pour l’espèce humaine, accroît les inégalités sociales, accentue la compétition internationale entre salariés.




3 La crise planétaire

Elle est le produit de multiples crises interférentes : celle des sociétés traditionnelles, celle des sociétés développées, crises religieuses, crises de laïcités, crises démographiques, faim dans une partie du monde, crises politiques, crise des relations internationales, crise économique qui exacerbent les précédentes.
La multiplicité des nations et des déchaînements ethnico-politico-religieux crée une situation chaotique.
Il y a une contradiction entre les souverainetés nationales absolues et la nécessité d’une autorité supranationale pour traiter les problèmes vitaux de la planète, alors même qu’il y a une interdépendance accrue de chacun, ce qui pourrait fonder une déclaration d’interdépendance au sein de l’ONU.
En regard de la communauté de destin des humains face aux menaces nucléaires et écologiques, il faut constater qu’il y a encore une faible conscience de cette communauté de destin.

Enfin, alors que l’infra texture d’une société-monde émerge par les processus tehnoéconomiques, la crise planétaire l’empêche d’émerger. En définitive la crise planétaire est la crise de l’humanité qui n’arrive pas à accéder à l’humanité.
Au final, la crise, comme toute crise, est un mélange de potentialités régressives et progressives. [/b]Dans cette dualité les risques sont plus probables que les chances. Les risques cesont la descente vers l’abîme.



4 Vers l’abîme

Le vaisseau spatial terre n’a pas de pilote. Ses quatre moteurs, la science, la technique,l’économie, le profit, sont, chacun incontrôlé.


Manifeste pour la Métamorphose du Monde, par Edagar Morin 111_aa10

La globalisation accentue le brouillage de l’itinéraire.

Le vaisseau va vers la catastrophe. C’est l’hypothèse la plus probable. L’improbable c’est la capacité d’une guidance en temps utile pour suivre un autre itinéraire permettant de traiter les problèmes vitaux pour l’humanité, en premier lieu la dégradation de la biosphère.



Il faudrait une métamorphose, qui dans l’état de conscience actuelle est une hypothèse improbable, quoique non nulle. Mais qu’est, au fait, une métamorphose ? Sinon le changement d’une forme en une autre, et, en biologie, une transformation importante du corps et du mode vie au cours du développement de certains animaux comme les batraciens et certains insectes. Ainsi on parle des métamorphoses du papillon ou des grenouilles. Ici l’autodestruction est en même temps auto-construction, une identité maintenue dans l’altérité.
Plus généralement la naissance de la vie est une métamorphose d’une organisation chimicophysique.

Les sociétés historiques le sont devenues à partir d’un agrégat de sociétés archaïques. Vie et société sont le produit de métamorphoses. Elles sont en danger. L’histoire c’est aussi l’issue tragique du développement d’une capacité à détruire l’humanité. Il y a donc la nécessité vitale d’une meta-histoire. Il n’a pas de fin de l’histoire, contrairement à la thèse de Fukuyama qui avait tiré du triomphe du capitalisme la conclusion de sa pérennité. Les capacités créatrices ne sont pas épuisées. Une autre histoire est possible.



Il y a des raisons d’espérer.



L’Homme Générique de Marx exprime ses vertus génératrices et créatrices inhérentes à l’humanité. Il y a toujours en lui ces capacités. On peut user de la métaphore des cellules souches dormantes dans l’organisme adulte et que la biologie moderne a révélées.


De même, il y a dans les sociétés normalisées, stabilisées, rigidifiées, des forces génératrices créatrices qui se manifestent chez des marginaux, les déviants que sont les artistes, musiciens, poètes, peintres, écrivains philosophes, inventeurs, mais aussi certains scientifiques, voire des bricoleurs.


Témoin de cette force le succès du groupe d’artistes peintres : « international art movement for the metamorphosis of the world » que, spontanément, 200 artistes ont rejoint.

La crise financière et économique pousse actuellement nombre de dirigeants et d’économistes réveillés de leur torpeur à « réformer le capitalisme ». C’est une nécessité que certains considèrent encore comme une contrainte conjoncturelle. Mais il s’agit d’une crise systémique, beaucoup plus large et profonde, la crise planétaire multidimensionnelle que nous évoquions plus haut. Et avec elle est concerné l’ensemble des peuples. C’est dans leur sein que vont s’éveiller des forces créatrices et une volonté transformatrice. Si une hirondelle ne fait pas le printemps, des signes forts sont apparus.

Ainsi, de Seattle à Porto Alegre s’est manifestée une volonté de répondre à la mondialisation techno-économique par le développement d’autres formes de mondialisation, allant vers l’élaboration d’une véritable « politique de l’humanité », qui devrait dépasser l’idée de développement.



Nul ne peut faire l’impasse sur l’aspiration multimillénaire de l’humanité à l’harmonie, qu’elle prenne la forme du paradis, des utopies, des idéologies libertaire, socialiste, communiste, puis des révoltes juvéniles des années 60 (Peace-Love). Cette aspiration n’a pasdisparu. Elle se manifeste par des myriades de pensées, d’initiatives, d’actions multiples dispersées dans la société civile et qui sont ignorées par les structures politiques et administratives sclérosées.

Les grands mouvements de transformation commencent toujours de façon marginale, déviante, modeste, voire invisible. Il en a été ainsi des religions, de Bouddha, Jésus, Mahomet, du capitalisme, de la science moderne, du socialisme. Aujourd’hui l’altermondisme devient un terme à prendre à la lettre : l’aspiration à un autre monde.

Des centaines de propositions ont vu le jour, cela ne suffit pas à en faire un projet sociétal cohérent, alternatif, réaliste et visionnaire. C’est ce « supplément d’âme » que nous proposons avec les « 7 réformes fondatrices » d’une « Voie nouvelle ».




II Les 7 réformes


Le monde est saturé de réformes réactives et à court terme, prises isolément comme si les sphères de l’économie, du social, du politique, de l’éducation étaient indépendantes les unes des autres. Elles sont ainsi vouées à l’échec. Pour opérer la réalité complexe du monde d’aujourd’hui il faut un ensemble de réformes articulées, corrélatives, interactives et interdépendantes. Changer d’échelle et de logiciel : pour changer de voie.
La conscience de la nécessité vitale de changer de voie est inséparable de la conscience que le grand problème de l’humanité est celui de l’état souvent misérable des relations entre individus, groupes et peuples. La question très ancienne de l’amélioration des relations entre humains qui a suscité tant d’aspirations révolutionnaires est désormais indissolublement liée à la question vitale du XXIe siècle, la voie nouvelle et la métamorphose.



À cette fin, 7 orientations principales sont proposées : la réforme politique, politique de l’humanité et de civilisation ; réformes économiques ; réformes sociales ; réforme de la pensée ; réforme de l’éducation ; réforme de vie ; réforme morale.
Elles sont brièvement commentées ci-dessous.



1 )La réforme politique: politique de l’humanité et de civilisation:

La voie en a été tracée par des travaux successifs pour régénérer la pensée politique1.
Il y a plus de 40 ans Edgar Morin constatait la crise de la politique à tous les échelons. La politique en miettes trahissait la difficulté, l’échec dans la gestation d’une politique de tout l’être humain, ou anthropolitique. C’est ce dernier concept majeur qui sera développé et enrichi dans des oeuvres successives2.
Aujourd’hui, avec la mondialisation, la crise politique est à la fois plus profonde et généralisée, elle touche tous les niveaux et conduit à veiller à penser en permanence et simultanément planétaire, continental, national et local.

La politique de l’humanité est planétaire alors que « la terre-patrie » est l’héritière concrète des internationalismes, encore en germe au sein de l’alter-mondialisme.



Il s’agit de sauvegarder indissolublement l’unité et la diversité humaine. Le trésor de l’unité humaine est la diversité, le trésor de la diversité est l’unité. Il s’ensuit la nécessité d’institutions planétaires pour la sauvegarde de l’humanité, c’est-à-dire compétentes pour traiter les problèmes vitaux et mortels de la biosphère, de l’économie, des inégalités sociales, de l’infériorité du statut de la femme, des armes de destruction massive. Sans doute, il y a l’ONU, et si elle n’existait pas, il faudrait l’inventer. Mais nous sommes dans une situation qui n’est plus celle de l’après-guerre où l’on croyait à la fin de risques, qui non seulement n’ont pas disparus, mais où de nouveaux sont apparus, mettant en cause l’existence même de l’humanité. Dans le monde global, le développement d’une conscience planétaire est la dimension du défi, et est inséparable de celle du destin commun de l’humanité. Cette conscience entière, encore embryonnaire, sera la condition de la réforme de l’ONU, instance d’une société-monde dotée d’un système juridique, d’une gouvernance, d’un horizon de démocratisation, de solidarité, de fraternité. À son tour l’institution rétroagira positivement sur le développement de la conscience planétaire

C’est aussi à l’échelle globale qu’il convient de revenir sur l’idée de développement qui est devenu le leitmotiv de tous les discours politiques. Il faut dépasser cette notion ou développer l’idée elle-même.


Sa carence tient à son noyau exclusif technico-économique fondé sur le seul calcul. Le développement technico-économique est conçu comme la locomotive qui doit forcément entraîner démocratie et vie meilleure. La réalité est plus ambivalente. C’estaussi la destruction des solidarités traditionnelles, l’exacerbation des égoïsmes, et, finalement, l’ignorance des contextes humains et culturels. En effet, le développement tel qu’il est pratiqué s’applique de façon indifférenciée à des sociétés et cultures très diverses, sans tenir compte de leurs singularités, de leurs savoirs, savoir-faire, arts de vivre, y compris chez les peuples que l’on réduit à une vision analphabétisme alors qu’on en ignore les richesses de leurs cultures orales traditionnelles.

_* Voir Edgar Morin « Introduction à une politique de l’homme » Seuil 1965
**« Pour une politique de civilisation » Arléa 2002 ; « Terre-patrie » Seuil 1993_ [color/]

Le développement repensé doit respecter les cultures et intégrer ce qu’il y a de valable dans l’idée actuelle de développement, mais pour le concevoir dans les contextes singuliers de chaque culture ou nation.
Ce respect de l’autre est l’opposé de l’arrogance dominatrice. Il ouvre la voie à des symbioses culturelles planétaires et à une logique du donner-recevoir. Ainsi, pour ne prendre que l’exemple de la médecine, d’une part, il y a introduction de l’apport des médecines occidentales d’hygiène, des médicaments anti-sida, etc… d’autre part, l’intégration de l’apport de médecines indigènes, non seulement de nations de traditions médicales millénaires comme la Chine et l’Inde, mais aussi de peuples archaïques d’Amazonie connaissant les vertus et venins des plantes, et des thérapies chamaniques. Cet échange signifie la fin de l’arrogance occidentalo-centrique, et d’une compassion affectée.


La politique de réforme de la civilisation concerne toutes les parties du monde occidentalisé.Elle s’exercerait contre les effets négatifs croissants du « développement » de notre civilisation occidentale3, viserait à restaurer les solidarités, re-humaniser les villes, revitaliser les campagnes. Elle renverserait l’hégémonie du quantitatif au profit de celle du qualitatif, de la qualité de la vie, « moins mais mieux », contribution à la réforme de vie.
Elle reconsidérerait nécessairement la notion de croissance, dépassant l’alternative croissance/ décroissance, elle prendrait en compte ce qui doit croître ou décroître, ce qui doit demeurer stationnaire, au terme d’une réflexion plus complexe que la croissance à tout prix.
Une telle réforme, de portée planétaire pourrait et devrait être entreprise à l’échelle d’une nation, exemple pour son extension à l’échelle continentale. L’Union Européenne et l’Amérique Latine paraissant plus mûres pour s’engager dans cette nouvelle voie.



2) les réformes économiques

La débâcle financière, la récession économique, les plans de sauvetage du crédit, condition permissive du capitalisme, la protection par l’Etat d’industries entières comme l’automobile, la relance de dépenses d’infrastructure, conduisent les dirigeants d’un monde désormais pleinement capitaliste à essayer de le remettre sous contrôle, à placer « un pilote dans l’avion ». Le proche avenir dira si le G 20 accomplira cette tâche, ou du moins, fera des premiers pas dans cette direction.
On peut, a priori, en douter, tant la crise a révélé, autant qu’une similitude de démarche au plus pressé, la révélation de profondes différences d’intérêts, chacun protégeant son économie et se gardant que les partenaires en bénéficient.


Les victimes ne sont pas les banquiers, ni les riches, mais les gens pauvres des pays riches et les pauvres des pays pauvres. La récession crée du chômage, mais elle est aussi prétexte à licenciements pour, dans le cadre d’une compétition féroce, réduire les dépenses salariales afin d’assurer les profits. Les dirigeants du monde ne sont pas frappés subitement par la grâce de la nuit du 4 août 1789 et l’abolition des privilèges, la plupart d’entre eux en sont les défenseurs. Il faut donc, en plus de la contrainte du sauvetage du système, la poussée des forces sociales dispersées dans le monde, pour donner sens au réformisme et ouvrir une nouvelle voie.
Le couronnement d’une réforme gouvernementale-populaire pourrait être l’établissement d’une institution permanente, sorte de conseil de la sécurité économique, chargé des régulations de l’économie planétaire et du contrôle des spéculations financières.
* Voir le diagnostic dans « une politique de civilisation » réf 2

La sortie du modèle énergétique actuel est le grand chantier du siècle. Il n’est plus durable, non seulement en raison de l’épuisement, un jour ou l’autre, des ressources pétrolières, mais de la détérioration de l’environnement, du changement climatique dont il est
vraisemblablement une des causes. On ne sous-estime pas le mouvement de recherche et développement d’amélioration des rendements énergétiques et des énergies renouvelables, mais le principal tient à la réforme du modèle de développement et à celle du mode de vie.
Il faudra faire face aussi à un autre défi mondial : nourrir l’humanité. Bien que le boom démographique se soit atténué, il n’en demeurera pas moins que dans 50 ans il y aura -sauf pandémie mondiale- 9 milliards d’êtres à nourrir. Les superficies cultivables n’étant pas extensibles, il faudra augmenter les rendements des terres. Comment ? Par l’utilisation massive des engrais et pesticides, dont on mesure les dégâts dans les pays qui ont industrialisé leur agriculture ? L’irrigation, qui consomme la plus grande part de l’eau, qui, par ailleurs, devient une ressource rare ? Par la modification génétique des organismes, avec les interrogations redoutables pour l’environnement et la mise en tutelle des paysans par les monopoles ?


Politiques de l’énergie et de la faim peuvent être en opposition. Celle des biocarburants à partir de produits agricoles signifie que la priorité est donnée, implicitement, au modèle de consommation actuel de l’énergie, et que le reste compte moins.
Il faudra que la communauté internationale fasse des choix clairs. Les orientations à donner aux productions sont maintenant des choix de société. Ils sortent du cercle de la philosophie et de la pratique des avantages économiques comparatifs.
La réalité contemporaine montre que le développement par les exportations qui a constitué le dogme du FMI et le l’OMC est dans une impasse. Le Japon et la Corée du Sud qui avaient décollé après guerre grâce à une garde serrée de leurs investissements étrangers et transferts technologiques, pour ensuite, se lancer dans une politique débridée d’exportations, sont maintenant particulièrement frappés par la crise. Le modèle est épuisé.



Quel autre modèle est envisageable ?


D’abord par un New Deal de grands programmes collectifs à l’échelle de l’humanité. On a évoqué les programmes énergétiques et ceux de l’agriculture avec la R&D correspondants.
Mais il y a aussi l’amélioration de ceux de la santé avec des recherches plus spécifiques pour les maladies dans les pays en développement.
Dans le domaine des transports, des développements nationaux autocentrés devraient permettre de diminuer des transports parfois aberrants sur de longues distances, dans certains pays l’aménagement des chemins de fer pour le ferroutage ferait baisser la pression de plus en plus forte du transport routier, parallèlement avec la croissance de transports publics non polluants.

Ces grands programmes mondiaux devraient être complétés par des programmes continentaux et nationaux. Concernant l’Europe, il faudrait instituer des services publics européens, par exemple dans les domaines des télécommunications, de la poste, des chemins de fer.

Le dégagement de la tyrannie des marchés internationaux requiert localement l’essor d’une économie plurielle. Des initiatives sont en cours, par exemple la création et l’extension des mutuelles, des coopératives de production et de distribution, les coopératives de femmes en Afrique et en Asie, le commerce de proximité de l’alimentation, le commerce équitable, des entreprises citoyennes, l’agriculture fermière et biologique, le micro-crédit, voire des monnaies locales. Toutes ces actions, au raz du sol, nées dans le système et à cause de lui, sont autant de chrysalides de la métamorphose


3) Réformes sociales

Le monde crie d’inégalités et d’injustices. Les idéaux libertaires, socialistes, communistes, ont historiquement combattu celles-ci. De nouveau l’internationalisme, mais planétaire cette fois, est à l’ordre du jour. La pauvreté continue à frapper une grande partie de la population du globe, alors que jamais les disponibilités scientifiques, techniques n’ont été aussi grandes.
Les inégalités s’expriment grossièrement par les inégalités du PIB entre nations et par personne.


Le rêve ancien de l’utopie égalitaire, par exemple, un revenu universel d’existence, reste une visée qui n’est pas celle des institutions internationales. Les différenciations ont grandi avec la mondialisation. Le Tiers-Monde des années 60 a volé en éclats. L’économie pétrolière a donné une rente de situation aux pays du Golfe, qui ont fait appel à des migrants, corvéables et rejetables. La Chine, virée au capitalisme sauvage, réalise l’accumulation primitive sur le dos des masses paysannes. Sa percée industrielle pour les biens manufacturés, si elle permet, heureusement, des progrès du niveau de vie interne, a pour contre partie la suppression d’emplois ailleurs et une pression sur les salaires des pays développés. Le problème est devenu la répartition du profit à l’échelle mondiale. Comment permettre la progression du niveau de vie dans les PVD sans altérer celui des pays développés et résorber les inégalités partout ? Comment faire converger des forces sociales défendant leurs revendications nationales dans un ensemble plus vaste dominé par les firmes multinationales ?

L’Europe pourrait fournir de premières réponses. L’harmonisation salariale « vers le haut » est le combat à venir, car il est clair que le capital tentera de faire supporter le poids de la crise à ses salariés. L’harmonisation de la protection sociale, et celle de la fiscalité, sont d’autres chantiers. Si l’Euroland résiste relativement mieux à la crise, c’est parce qu’elle dispose d’amortisseurs de la sécurité sociale, sous la présidence d’Obama, les USA s’orientent dans cette voie. Mais quand n’est-il des démunis ailleurs ?


Quand n’est-il aussi de la retraite des personnes âgées. Fort heureusement l’espérance de vie a augmenté suite aux progrès de la médecine et de l’hygiène. Mais cette prolongation est très inégale entre, par exemple Haïti et le Japon, et en France entre cadres supérieurs et ouvriers.
La conséquence de l’allongement de la vie c’est le vieillissement de la population, et avec elle, partout, la difficulté de financement des retraites et de la protection sociale. Vaste question qui ne peut-être reportée en attendant l’hypothétique retour de la croissance et qui met à l’épreuve la solidarité intergénérationnelle. Des normes mondiales, là encore, seraient en phase avec le problème sociétal.


Les réformes économiques et sociales sont en relation récursive. Les choix dans la division internationale du travail déterminent les choix sociaux et réciproquement. Ils doivent être traités de pair en anticipant leurs conséquences, y compris leurs impacts géopolitiques.

En attendant ces réformes drastiques, certaines actions plus modestes peuvent aller dans le bon sens. Par exemple, instituer l’outil de « l’observatoire des inégalités », pour la survie en réponse à la misère amplifier les programmes de distribution de nourriture et d’allocation de logement, humaniser les administrations, créer des maisons de solidarité dans es villes et un service civil obligatoire….



4) réforme de la pensée

L’enfermement disciplinaire rend inapte à percevoir et concevoir les problèmes fondamentaux et globaux, d’où la nécessité d’une pensée complexe qui puisse relier les connaissances , les parties au tout, le tout aux parties, et qui puisse concevoir la relation du global au local et du local au global. Nos modes de pensée doivent intégrer un va-et-vient constant entre ces niveaux*.


Une autre façon d’exprimer la nécessité de la complexité, en termes cybernétiques, se réfère à la loi d’Ashby. Elle dit qu’un système ne peut dominer un autre que s’il a une « variété »

(c’est-à-dire le nombre d’états que le système peut prendre) au moins égale à l’autre. Pour dominer la complexité du monde, le système de pensée doit être complexe.
Si nos esprits restent dominés par une façon mutilée, incapable de saisir les réalités dans leur complexité et dans leur globalité, si la pensée philosophique reste enfermée dans des jeux de dentelle, alors nous allons vers des catastrophes. Seule une pensée apte à saisir la complexité non seulement de nos vies, destins, de la relation individu-société-espèce, mais aussi celle de l’ère planétaire, peut opérer le diagnostic de la course de la planète vers l’abîme et définir les orientations qui permettraient de donner un fil directeur aux réformes primordiales.
En bref, seule une pensée complexe peut nous armer pour préparer la métamorphose globale, sociale, individuelle et anthropologique.


5) Réforme de l’éducation

Elle est peut-être la condition permissive de tout le reste.
L’éducation forme un guide d’existence, individuel et collectif, un modèle qui se transmet entre générations. C’est un système de puissance lourde, à inertie et temps long. C’est pourquoi elle est au coeur de l’évolution des sociétés.

Elle transmet des connaissances, mais elle ne s’interroge guère sur le statut de la connaissance elle-même, sur les risques permanents d’erreur et d’illusion qui parasitent l’esprit humain. Il s’agit d’armer chaque esprit dans le combat vital pour la lucidité. Il est donc nécessaire d’introduire et de développer dans l’enseignement l’étude des caractères cérébraux, mentaux, culturels, des processus et modalités des connaissances, des dispositions tant psychiques que culturelles qui font risquer l’erreur et l’illusion. Cette remarque préalable soulève le problème de l’adéquation de l’éducation actuelle et de son contenant.



Les principes d’une connaissance pertinente :


. Un problème capital, toujours méconnu, est celui de la nécessité de promouvoir une connaissance capable de saisir les problèmes globaux et fondamentaux pour y inscrire les connaissances partielles et locales.

. La suprématie d'une connaissance fragmentée selon les disciplines rend souvent incapable d'opérer le lien entre les parties et les totalités et doit faire place à un mode de connaissance capable de saisir ses objets dans leurs contextes, leurs complexes, leurs ensembles.

. Il est nécessaire de développer l’aptitude naturelle de l'esprit humain à situer toutes ses informations dans un contexte et un ensemble. Il est nécessaire d'enseigner les méthodes qui permettent de saisir les relations mutuelles et influences réciproques entre parties et tout dans un monde complexe.

* Voir Edgar Morin « Introduction à la pensé complexe » ESF 1990



Enseigner la condition humaine



  • . L'être humain est à la fois physique, biologique, psychique, culturel, social, historique. C'est cette unité complexe de la nature humaine qui est complètement désintégrée dans l'enseignement, à travers les disciplines, et il est aujourd'hui impossible d'apprendre ce que signifie être humain, alors que chacun, où qu'il soit, devrait prendre connaissance et conscience à la fois du caractère complexe de son identité et de son identité commune avec tous les autres humains. La condition humaine devrait être un objet essentiel de tout enseignement.
  • . En conséquence, pour reconnaître l'unité et la complexité humaines, il faudra rassembler et organiser des connaissances dispersées dans les sciences de la nature, les sciences humaines, la littérature et la philosophie, et montrer le lien indissoluble entre I'unité et la diversité de tout ce qui est humain.

Enseigner l'identité terrienne




  • • Le destin désormais planétaire du genre humain est une autre réalité clé ignorée par l'enseignement. La connaissance des développements de l'ère planétaire et la reconnaissance de l'identité terrienne doivent devenir un des objets majeurs de l'enseignement.
  • . Il convient d'enseigner l'histoire de l'ère planétaire, qui commence avec la communication de tous les continents au xvie siècle, et montrer comment sont devenues inter solidaires toutes les parties du monde sans pourtant occulter les oppressions et dominations qui ont ravagé et ravagent encore l'humanité.
  • . Il faudrait indiquer le complexe de crise planétaire qui marque le xxie siècle, de la crise systémique actuelle, en montrant que tous les humains, désormais confrontés aux mêmes problèmes de vie et de mort, vivent une même communauté de destin.
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Affronter les incertitudes



  • . Les sciences nous ont fait acquérir beaucoup de certitudes, mais nous ont également révélé au cours du xxe siècle d'innombrables domaines d'incertitudes. L'enseignement devrait comporter un enseignement des incertitudes qui sont apparues dans les sciences physiques (microphysique, thermodynamique, cosmologie), les sciences de l'évolution biologique et les sciences historiques.
  • . Il faudrait enseigner des principes de stratégie, qui permettent d'affronter les aléas, l'inattendu et l'incertain, de partir de la situation d’état des systèmes et des processus en cours pour modifier leur développement, tenir compte d’informations acquises en cours d'action. Il faudrait apprendre à naviguer dans un océan d'incertitudes à travers des archipels de certitude.


L'abandon des conceptions déterministes de l'histoire humaine, de la naïveté des prédictions de notre futur, l'examen des grands événements et accidents de notre siècle qui furent inattendus, le caractère désormais inconnu de l'aventure humaine doivent nous inciter à préparer les esprits à s'attendre à l'inattendu pour l'affronter. Il est nécessaire que tous ceux qui ont la charge d'enseigner se portent aux avant-postes de l'incertitude de nos temps.


[color/]

Enseigner la compréhension




  • . La compréhension est à la fois moyen et fin de la communication humaine. Or, l'éducation à la compréhension est absente de nos enseignements. La planète nécessite dans tous les sens des compréhensions mutuelles. Étant donné l'importance de l'éducation à la compréhension, à tous les niveaux éducatifs et à tous les âges, le développement de la compréhension nécessite une réforme des mentalités. Telle doit être l'oeuvre pour l'éducation du futur.
  • • La compréhension mutuelle entre humains, aussi bien proches qu'étrangers, est désormais vitale pour que les relations humaines sortent de leur état barbare d'incompréhension.
  • . D'où la nécessité d'étudier l'incompréhension, dans ses racines, ses modalités et ses effets.

Une telle étude est d'autant plus nécessaire qu'elle porterait, non sur les symptômes, mais sur les racines des racismes, xénophobies, mépris. Elle constituerait en même temps une des bases les plus sûres de l'éducation pour la Paix.


L'éthique du genre humain

. L'enseignement doit amener à une par la considération du caractère ternaire de la condition humaine, qui est d'être à la fois individu, espèce, société, en interrelations permanentes

Dans ce sens, l'éthique individu-espèce nécessite un contrôle mutuel de la société par l'individu et de l'individu par la société, c'est-à-dire la démocratie; et au xxie siècle la solidarité terrestre.

. L'éthique doit se former dans les esprits à partir de la conscience que l'humain est à la fois individu, partie d'une société, partie d'une espèce. Nous portons en chacun de nous cette triple réalité. Aussi, tout développement vraiment humain doit-il comporter le développement conjoint des autonomies individuelles, des participations communautaires et de la conscience d'appartenir à l'espèce humaine.

. À partir de cela s'esquissent les deux grandes finalités éthico-politiques du nouveau millénaire : établir une relation de contrôle mutuel entre la société et les individus par la démocratie, accomplir l'Humanité comme communauté planétaire. L'enseignement doit
contribuer, non seulement à une prise de conscience de notre Terre-Patrie, mais aussi permettre que cette conscience se traduise en une volonté de réaliser la citoyenneté terrienne.


6 ) La réforme de vie

C’est le problème concret sur lequel devraient converger toutes les autres réformes.


Nos vies sont dégradées et polluées par l’état monstrueux des relations entre les humains, individus, peuples, par l’incompréhension généralisée d’autrui, par le prosaïsme de l’existence consacrée aux taches obligatoires que ne donnent pas de satisfaction, et qui déferlent à présent dans le monde entier, par opposition à la poésie de l’existence qui est congénitale à l’amour, l’amitié, la communion, le jeu.

. La recherche d’un art de vivre est un problème très ancien abordé par les traditions de sagesse des différentes civilisations et en occident par la philosophie grecque. La réforme de vie vise à régénérer l'art de vivre en art de vivre poétiquement. Elle se présente de manière particulière dans notre civilisation occidentale caractérisée par l'industrialisation, l'urbanisation, la recherche du profit, la suprématie donnée au quantitatif…, civilisation qui déferle aujourd’hui sur la planète apportant non seulement ses indéniables vertus mis aussi ses moins indéniables vices et dégradations qui se sont révélées dans le monde occidental d'abord et qui déferlent à présent dans le monde entier.


L’homme vit aujourd’hui dans une « Technosphère ». Et il en fait partie intégrante. Malgré l’essor récent des biotechnologies, c’est la civilisation mécanique qui domine depuis la révolution industrielle du 20 e siècle, et dont la robotisation constitue le point dominant. Le chronomètre est le maître, et, avec lui, les cadences de travail, la réduction des temps alloués et le stress, les flux tendus dans l’entreprise, contrainte de la compétitivité et du profit à court terme. Les nouvelles technologies de l’information, potentiellement libératoires de la communication personnelle, deviennent une tyrannie avec le portable, la perte de liberté qui s’ensuit quand tout individu peut-être suivi voire traqué n’importe où. Ainsi, la combinaison de l’évolution de la civilisation industrielle sous l’emprise des nouvelles technologies, des nouvelles conditions du travail et du profit, provoque une mutation par rapport au temps, l’urgence se transforme en instantanéité. Le culte de l’urgence conduit à une société malade du temps, et qui perd le temps de vivre. Elle se défend en revendiquant du temps libre.

La société en devient consciente et réagit avec les moyens dont elle dispose. L’aspiration à « une vraie vie » se manifeste sous la forme d’antidotes au mal-être physique, moral et spirituel par le recours aux psychiatres, psychanalystes, aux psychotropes, addictions et drogues diverses. Elle se tourne aussi vers la religion, l’occultisme, pour satisfaire ses besoins spirituels étouffés dans une civilisation vouée aux besoins matériels, à l’efficacité et à la puissance. La réforme de vie doit nous conduire à vivre les qualités de la vie, à retrouver un sens esthétique, à travers l'art bien sûr mais également dans la relation à la nature, dans la relation au corps, et à revoir nos relations les uns aux autres, à nous inscrire dans des communautés sans perdre notre autonomie.

C'est le thème de la convivialité évoqué par Illich dans les années 70. Il existe aujourd'hui, un peu partout, des germes de cette réforme. Ils apparaissent à travers l’aspiration à une autre vie, le renoncement à une vie lucrative pour une vie d’épanouissement, les choix de vie visant à mieux vivre avec soi-même et autrui, ainsi que dans une recherche d’accord avec soi-même et le monde que l’on constate dans les attractions vers le yogisme, le bouddhisme zen, les sagesses orientales, dans la recherche de l’alimentation saine que proposent l’agriculture fermière et l’agriculture biologique…


Cette aspiration à vivre "autrement" se manifeste de façons multiples et l'on assiste à des recherches tâtonnantes. un peu partout recherche de la poésie de la vie, amours, fêtes, copains, raves parties . Les vacances sont antidotes à la vie prosaïque Une partie des citadins partage le temps entre, d'un côté une vie urbaine à laquelle ils sont soumis avec ses contraintes et d'obligations, et d'un autre côté une vie de week-end ou de vacances durant laquelle ils se déprogramment, échappent à la chronométrie, abandonnent les vêtements citadins pour des rustiques voire la nudité, et vivent plus librement : le Club Méditerranée est l’utopie concrète d’une vie libérée même de la monnaie (il faut évidemment payer au préalable pour y vivre sans argent)

Le contraste est aussi fort que celui évoqué par Mauss lorsqu'il nous apprend que les esquimaux ont une religion d'été et une religion d'hiver, avec des dieux différents en fonction des saisons. Tout se passe comme si nous avions, nous aussi, des dieux différents en fonction des périodes de la semaine ou de l'année. Mais il ne suffit pas d'alterner : nous devons intégrer dans nos vies quelques-unes des vertus que nous pouvons trouver dans nos vacances et loisirs.


Il y a mille ébauches de reforme de vie, d’aspirations à bien vivre, à échapper au mal-être qu’a produit la civilisation du bien-être matériel, à pratiquer la convivialité, qui ne sont pas encore reliées. Mais si on considère ensemble ces éléments qui, séparément, semblent insignifiants, il est possible de montrer que la réforme de vie est inscrite dans les possibilités de notre civilisation. Le dénominateur commun en est : la qualité prime sur la quantité, le besoin d’autonomie est lié aux besoins de communauté, la poésie de l’amour est notre vérité suprême.

Rares sont les expériences telle que celle du Monte Verita et celles de quelques communes californiennes, sans parler de celles de « marginaux de mai 1968 » qui ont voulu réaliser la réforme de la vie, mais qui ont échoué faute de la conjonction avec les autres réformes

La prise de conscience que « la réforme de la vie est une des aspirations fondamentales dans
nos sociétés est un levier qui peut puissamment nous aider à ouvrir la Voie.



7 ) La réforme morale


La barbarie de nos vies ! Nous ne sommes pas intérieurement civilisés. La possessivité, la jalousie, l’incompréhension, le mépris, la haine, l’aveuglement sur soi-même et sur autrui sont notre quotidien. Que d’enfers domestiques sont les microcosmes de l’enfer plus vaste des relations humaines.

Nous retombons là sur une préoccupation très ancienne puisque les principes moraux sont présents tant dans les grandes religions universalistes que dans la morale laïque.Mais les religions qui ont prôné l’amour du prochain ont déchaîné des haines épouvantables, et rien n’a été plus cruel que ces religions d’amour.
Il semble donc évident que la morale mérite d’être repensée et qu’une réforme doit l’inscrire dans le vif du sujet.
Si on définit le sujet humain comme un être vivant capable de dire
« je », autrement dit d’occuper une position qui le met au centre de son monde, il s’avère que chacun de nous porte en lui un principe d’exclusion (personne ne peut dire «je » à ma place).



Ce principe agit comme un logiciel d’auto-affirmation égocentrique, qui donne priorité à soi sur toute autre personne ou considération et favorise les égoïsmes. Dans le même temps, le sujet porte en lui un principe d’inclusion qui nous donne la possibilité de nous inclure dans une relation avec autrui, avec les « nôtres » (famille, amis, patrie), et qui apparaît dès la naissance où l’enfant ressent un besoin vital d’attachement. Ce principe est un quasi logiciel d’intégration dans un nous, et il subordonne le sujet, parfois jusqu’au sacrifice de sa vie.
L’être humain est caractérisé par ce double principe, un quasi double logiciel : l’un pousse à l’égocentrisme, à sacrifier les autres à soi ; l’autre pousse à l’altruisme, à l’amitié, à l’amour...
Tout, dans notre civilisation, tend à favoriser le logiciel égocentrique. Le logiciel altruiste et solidaire est partout présent, inhibé et dormant, et il peut se réveiller. C’est donc ce logiciel qui doit être développé.
Il faut donc concevoir également une éthique à trois directions, en vertu de la trinité humaine :
Individu/société-espèce.



1) l’éthique individuelle

La réforme morale nécessite l’intégration, dans sa propre conscience et sa propre personnalité, d’un principe d’auto-examen permanent, car, sans le savoir, nous nous mentons à nous-mêmes, nous nous dupons sans cesse. Nos souvenirs se transforment, nous avons une vision de ce que nous sommes et des autres entièrement pervertie par l’égocentrisme. Nous ne pouvons donc faire l’économie de pratiquer l’auto-examen et l’autocritique.
Or, là encore, dans notre civilisation, il semble que nous ayons complètement oublié cette possibilité, préférant confier la recherche de la solution à nos maux moraux et psychiques à des tiers tels les psychiatres, les psychanalystes. . . Autrui nous est important pour nous connaître nous-mêmes, mais seul l’auto-examen nous permet d’intégrer le regard d’autrui, dans notre effort pour mieux nous comprendre nous-mêmes, avec nos carences, nos lacunes, nos faiblesses.



Se comprendre est indispensable si l’on veut comprendre l’autre. Cette compréhension, nous l’avons potentiellement. Nous la manifestons lorsque nous sommes au théâtre, au cinéma, ou lorsque nous lisons un roman. Nous sommes alors capables de comprendre des personnages totalement éloignés de nous, vivant dans des mondes exotiques, ou de personnages ambigus, parfois criminels, comme le parrain de Coppola ou les personnages de Shakespeare. Nous comprenons la misère du clochard, nous comprenons un vagabond comme Charlot. Mais lorsque nous retournons dans la vie courante, nous perdons notre capacité à comprendre autrui. Alors que nous l’avons dans l’imaginaire, nous la perdons dans la réalité.
La réforme morale doit développer deux caractéristiques fondamentales chez tout être humain: l’auto-examen permanent et l’aptitude à la compréhension d’autrui. La réforme morale doit bien évidemment être conjuguée avec la réforme de l’éducation et avec la réforme de vie, qui elles mêmes doivent être conjuguées avec les autres réformes.[/font]


2 ) L’éthique civique

C’est l’éthique du citoyen qui, dans une société où il dispose de droits, doit assumer ses devoirs pour la collectivité.

Il faut désormais une éthique du genre humain. Autant dans le passé, une éthique universelle concernant tous les hommes était abstraite, autant, à l’ère planétaire actuelle, la communauté de destin de tous les humains la rend concrète. Nous pouvons aujourd’hui tenter d’agir pour l’humanité, c’est-à-dire d’abord contribuer à la prise de conscience de cette communauté et à notre inscription comme citoyen de la terre-patrie.



En conclusion: limites et possibilités

Les réformes sont interdépendantes
La réforme morale, la réforme de pensée, la réforme de l’éducation, la réforme de civilisation, la réforme politique la réforme de vie s’entr’appellent les unes les autres. Par là même leurs développements créeraient une synergie, une dynamique nouvelle qui serait plus que leur somme.

Ceci est une énorme potentialité, mais nous devons aussi être conscients de leur limite. Homo est non seulement sapiens, faber, economicus, mais aussi demens mythologicus, ludens…
On ne pourra jamais éliminer la capacité délirante, on ne pourra jamais rationaliser l’existence (ce qui serait au demeurant, la normaliser, la standardiser, la mécaniser…)
On ne pourra jamais réaliser l’utopie de l’harmonie permanente, du bonheur assuré.
Ce qu’on peut espérer c’est non plus le meilleur des mondes, mais un monde meilleur.

Revenons au point de départ : nous allons vers l’abîme. Mais il y a des milliards de chrysalides végétales, animales, humaines qui sont en métamorphose. Ce sont des forces immenses potentielles mais conditionnées à leur environnement. Concernant l’humanité des forces, encore virtuelles pour l’essentiel, doivent se mobiliser. L’abîme comme la métamorphose ne sont pas fatals.

La Voie des sept réformes proposée ici nous semble la seule susceptible de régénérer assez le monde pour faire advenir la métamorphose, pour un monde meilleur.

En faire une réalité suppose la mobilisation de tous ceux qui y aspirent, un véritable Mouvement pour la Métamorphose du Monde.

Edgar Morin, 21 Mars 2009

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